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MERLIN.

verez, sans aucun danger, à tout ce que vous devez et pouvez désirer.

« — Je ne sais, » reprit la jeune fille, « mais je tremble que ma sœur aînée ne nous surprenne. Allez-vous-en ! Un autre jour nous reparlerons de cela. »

La vieille s’éloigna mais ; dès ce moment, la jeune fille fut toute aux discours qu’on lui avait tenus. Le démon, qui commençait à avoir accès près d’elle, lui entendait souvent dire, en regardant la nuit son beau corps : « Oui, la bonne femme avait raison : je ne suis pas heureuse. » Un jour, elle fit avertir cette vieille de revenir : « Vous disiez bien, » lui dit-elle, « ma sœur ne se soucie pas de moi. — Encore mieux vous oubliera-t-elle, » dit la vieille, « quand elle aura ce qu’elle cherche, c’est-à-dire la compagnie d’un homme. Car, de là, ma chère fille, vient toute la joie du monde.

« — Je le crois, et je suivrais volontiers vos avis, si je ne pensais qu’on m’en fera mourir. — Je sais, » dit la vieille, « un moyen de vous ôter cette crainte. Vous sortirez de cette maison, en disant que vous ne pouvez vous accorder avec votre sœur. Ainsi, vous reprendrez la liberté de votre corps, sans rien redouter de la justice. Quand vous aurez mené cette plaisante vie un certain temps,