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MERLIN.

plus les decevoir par le moyen d’un homme, il pensa qu’une femme pourrait mieux le servir. Il y en avait une, dans le siècle, qui avait toujours été prête à lui obéir ; il alla la trouver, et la pria de visiter la plus jeune des deux demoiselles ; car, pour l’aînée, plus sage et plus humble, il savait qu’il n’en devait rien attendre.

La vieille alla donc chez la plus jeune, et commença par s’informer de sa vie et de celle que menait sa sœur. « Vous aime-t-elle ? Vous fait-elle toujours bon visage ? – C’est, » répondit la jeune pucelle, « la fille la plus triste du monde. Elle songe toujours aux malheurs de notre famille, elle ne fait accueil à personne. Un prud’homme a toute sa confiance, il l’entretient dans cette habitude de tristes pensées ; elle ne voit que lui, elle n’entend et n’agit que par lui.

« — Ah ! ma douce sœur, » fait la vieille, « dans quel abîme êtes-vous tombée ! Je vous plains d’avoir en pure perte une si grande beauté : tant que vous aurez une telle compagnie, vous devez renoncer au bonheur du monde. Si vous aviez une seule fois senti la joie et le déduit des autres femmes, quand elles sont avec leurs amis, vous feriez autant de cas de vos plus grandes aises d’aujourd’hui que d’une pomme pourrie. Le bien-