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teurs regardoit ce merveilleux comme autorisé par une infinité d’exemples pieux ou profanes, que personne ne s’avisoit de mettre en doute. On croyoit à l’effet des oraisons et des paroles magiques, à la vertu de certaines pierres et de certaines armures. Il n’y a rien de commun entre ces préjugés, ces croyances populaires, et les fantaisies badines des poëtes et des romanciers du xiiie siècle, qui devoient, à leur tour, devenir un objet d’imitation pour l’Espagne et pour l’Italie. Ainsi, la Chanson de geste, indépendante de toutes les traditions de l’antiquité, répondoit à l’état des opinions contemporaines, et réclamoit la confiance comme l’histoire même. Le premier soin des Jongleurs, pour captiver l’attention de leurs auditeurs, étoit de protester de la vérité des récits qu’ils alloient faire. « Seigneur, lit-on au début des Quatre fils Aimon :

Seigneur oés chanson de grant nobilité,
Tout est de vraie estoire, sans peint de fausseté ! »

Et dans le Chevalier au Cigne :

Seigneur, n’a point de fable en la nostre chanson,
Mais pure vérité et saintisme sermon.

Et dans les Loherains :

Vielle chanson voire volés oïr,
De grant estoire et de merveillous pris ?

Vielle, c’est-à-dire que les nouveaux jongleurs m’ont pas imaginée ; voire, qui est demeurée telle que les précédentes générations l’avoient transmise. Il y a bien loin, Messieurs, de pareils débuts à ceux dans lesquels l’auteur, ou, comme on disoit au xviiie siècle, le chantre de la Henriade appeloit la Fable à son secours, pour ajouter à l’intérêt de la Vérité.

Descends du haut des cieux, auguste vérité…
Viens, parle, et s’il est vrai que la Fable autrefois