Page:Paris, Paulin - Les chansons de geste, poèmes du XIIe et du XIIIe siècle : discours d’ouverture.djvu/14

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 11 —
Tuez-moi, gentil roy, je vous en fai pardon,

Je l’ai bien desservi, tuez-moi, gentis hom. »
Et le roi la regarde qui le cuer eut félon,
Il roelle les ieus, il froace le grenon…
Vit la roïne belle et clere sa façon
Ne la vout adeser de fust ne de baston ;
Mais jure dame Dieu et son saintisme nom

Que Garin en perdra le chef sous le menton.


Enfin, pour mieux vous montrer qu’on ne traitoit pas encore les femmes avec la courtoisie la plus délicate, vous me pardonnerez de vous citer un dernier passage des Quatre fils Aimon. Le duc Beuves d’Aigremont refusant de paroître à la cour de l’Empereur, la duchesse hasarde quelques timides représentations : « Dame ! lui répond Beuves, allez vous cacher dans vos chambres et ne vous mêlez de conseiller que vos chambrières ; tordez et filez la soie, c’est là votre métier ; le mien est de manier l’épée, de frapper la tête haute et en pleine campagne. Maudite la barbe du noble prince qui va chercher des conseils dans la chambre des femmes ! »


Dame, ce dist li dus, alés vous ombroier

Là dedans en vos chambres et bien apparoiller.
Léans à vos puceles, prenés à chastoier,
Penés de soie tordre, ce est vostre mestier,
Li miens mestiers si est à l’espée d’acier
Et ferir et jouster encontre chevalier ;
Mal dahé ait la barbe à nobile princier

Qui en chambre de dame voit pour lui conseiller.


De pareils discours peuvent assurément rappeler quelque chose des mœurs homériques ; mais on n’y reconnaîtra pas les tableaux de mœurs que nous présente l’auteur des Mémoires sur l’ancienne Chevalerie. Les études de Sainte Palaye sont pourtant sérieuses et exactes, mais elles nous peignent la Chevalerie du xve siècle, non pas les guerriers