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de l’épée de l’empereur, auraient crié Mon joie, voulant dire ma Joyeuse !

Si cela n’est pas vrai, au moins est-ce fort mal trouvé ; car enfin, vous dites que l’épée s’est indifféremment appelée Mon joie et Joyeuse. C’est une première erreur : aucun texte ne vous justifie, l’épée Joyeuse ne s’est jamais appelée autrement que Joyeuse. Que ce nom lui soit ou non venu des pierreries dont elle était couverte, ce n’est pas une raison pour le confondre avec le cri bien constaté de l’ancienne France : Montjoie Saint-Denis ! ou (comme on le trouve dans la chanson des Loherains) Montjoie, l’enseigne Saint-Denis !

Ce cri date peut-être de la fondation de l’abbaye, peut-être de l’élévation de Charlemagne à l’empire. Il y avait à Rome, en effet, un monticule révéré d’où l’on découvrait le tombeau des apôtres ; c’est là que le pape accordait toutes les investitures : « Qui, tactis sacrosanctis Evangeliis,… investiturarum depositionem susciperent, in eo qui dicitur Mons gaudii loco, ubi primum adventantibus limina apostolorum beatorum visa occurrunt. » (Sugerius, de Vita Ludovici Grossi.)

Ce Montjoie de Rome aura pu donner l’idée du Montjoie Saint-Denis, forteresse de l’abbaye, où l’abbé recevait les hommages de tous ses vassaux, et duquel était capitaine, en 1357, pour le roi de France, Jean Pastourel ou Pastoret. (Cab. des Titr. de la Biblioth. nation.) C’est de cette forteresse que venait le cri de Montjoie, de même que tous les anciens cris de guerre venaient de la principale forteresse du chevalier banneret. Il faut donc continuer à l’écrire comme si M. Génin avait eu la bonne pensée de n’en pas dire un seul mot.

Mais il est tombé dans une erreur plus plaisante, à propos d’un nom de peuple, les Canelius, qui revient assez souvent dans les poésies du moyen âge. Ainsi, dans le Jeu de Saint-Nicolas :

De la terre le prestre Jehan
Ne remaigne jusques il Coine,
D’Alexandre, de Babiloine,
Li Kenelieu, li Achopart,
Tout vegnent garni celle part,
Et toute l’autre gent grifaine.

M. Michel, qui, dans son Glossaire, avait donné cette citation, n’ose dire quels étaient ces peuples. Je serai plus hardi que lui,