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ÉMILE AUGIER

race et Célie, deux amoureux à la façon de Valère et de Marianne. Pour Annibal. c’est un don César, à moins qu’il ne soit un Sbrigani ou tel autre chaperon de cap et d’épée. Mais Annibal se grise, comme certain abbé galant de Musset, — ou comme Sganarelle simplement. Mais l’Aventurière est une comédienne ; sans doute, comme dans le Roman comique de Scarron. J’ose même ajouter que c’est une comédienne lasse des aventures, avide de repos et d’honorabilité, et que cette suprême convoitise n’a rien de romantique ni même de romanesque, et qu’elle est justement le contraire du romanesque et du romantique. La vérité est que, dans l’Aventurière autant que dans Philiberte, Émile Augier montre qu’il est imprégné de ses modèles classiques ; que sa morale s’accommode aisément de leur formule dramatique, que l’une suffit à l’autre, que ses pièces en vers en font foi, et que, s’il a été plus riche en ses combinaisons, c’est qu’il abordait le théâtre immédiatement après Scribe.

La cause de sa philosophie pratique une fois gagnée, il relègue au second plan l’imagination et la fantaisie, qui ne lui sont plus une parure nécessaire. Il entre dans le grand courant des vices domestiques et sociaux. Sa poétique est encore classique, avec quelque chose de plus.

S’il a emprunté de Scribe le goût de la pièce bien faite, fortement composée et habilement dénouée, il garde de l’ancien répertoire une tendance à affronter la crise dès le début, sans allonger l’exposition outre mesure, ni la trop éloigner du moment de l’action. Il n’écrit pas de prologue[1], ni de premier acte à sensation, où l’esprit pétille, dont le décor arrache des ah ! ce pendant que l’action languit et que l’intrigue se dessine vaguement. Il a conservé l’usage de procédés tout naïfs, qu’il donne pour ce qu’ils sont, et dont il

  1. Une seule fois. V. Jean de Thommeray.