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LE THÉATRE D’HIER.

en avoir été d abord lu force et rorigimililé. Il y reviendra sans cesse, par intervalles, comme s il éprouvait de temps en temps le besoin de se rafraîchir en un bain de délicate ambroisie (le mot est de lui), après la peinture des d’Estrigaud et des Vernouillet.

En même temps qu’il était porté à faire voir que l’honnéteté n’exclut point la poésie, ou plutôt que la poésie n’est pas essentiellement condamnée aux chemins de traverse, aux passions sans espoir ou aux amours sans candeur, aux innocences reblanchies ou aux rédemptions enthousiastes et tardives, il en venait insensiblement à montrer que les mœurs, aussi, gagnent dans le bonheur légitime et légal tout ce que poètes, artistes et gens du monde y pensent perdre de rêves et de contentements infînis. Le droit chemin n’est pas si banal, qu’il s’agisse de rimer ou de vivre ; et tant que les hommes n’auront rien inventé de mieux que la famille pour être heureux, ils se peuvent contenter de ce bienêtre normal, avec résignation. Dès Gabrielle, Emile Augier prit pied dans ses idées, et s’y établit fortement. Cette fois il avait découvert son vrai fonds de nature, rencontré la philosophie de son cœur ; et il inaugurait une veine dramatique, qu’il fit sienne, la comédie bourgeoise, la comédie de mœurs droites sans fanfare, saines sans déclamation ni pédantisme, où la poésie est rapatriée avec le bon sens et la morale. Gabrielle fut un scandale vertueux. L’écrivain remontait jusqu’au Père de famille de Diderot, et par-dessus le xviiie siècle, donnait la main à Molière. Il avait l’audace de reprendre la tradition de l’esprit français et de revenir aux idées moyennes de la race un instant effarées par les splendeurs lyriques et le superbe épanouissement du romantisme ; et le plus piquant de cette heureuse aventure n’est pas qu’un talent sincère comme celui d’Emile Augier en ait eu le courage ; plus réjouissante est la naïveté de ceux qui nontpas encore cessé des’en étonner avec quelque dépit. Le mari, le prosaïque