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XLII
INTRODUCTION.

réduit à ses propres forces, devient la plus vaine des conventions ; si, sans méconnaître l’influence des mœurs et des milieux, il ne fera pas la part plus grande à la vérité intérieure, s’il s’obstinera à cueillir les gestes de la vie pensant saisir le vif de la vie même, et à remplacer par l’esprit de mots la passion absente et méconnue. Il est urgent que cette faculté d’observation cesse de s’aveugler sur la surface infertile et chagrine des choses. Si elle ne reprend pied en soi, elle se traînera longtemps dans le poncif à rebours. Et le vaudeville aura de beaux jours encore.

Me sera-t-il permis de noter, en terminant, que les observateurs les mieux doués de notre époque en sont comme paralysés ? A part quelques tentatives isolées, le théâtre est en retard de quinze ans sur la société. Pendant que les dilettantes s’ingénient à nous peindre les précieuses frivolités d’un Faubourg inerte, et que les novateurs s’escriment à machiavéliser la Parisienne ou ridiculiser le boulevardier Perrichon, la France nouvelle monte et gronde, dont il serait pourtant temps d’écouter le bruit et d’entendre la voix, ne fût-ce que pour édifier les puissants sur leurs excès de pouvoir et faire paraître aux yeux des autres la clarté d’un idéal raisonnable et bienfaisant. Une pièce se prépare, qui peut être une œuvre grande, ou sombrer dans le mélodrame… Eh quoi ! toujours le mélodrame ? — Il est vrai qu’il est triste chose, étant la tragédie sans idée ; et il est véritable aussi que les péripéties nous