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XLI
HIER ET DEMAIN.

et en même temps plus tristes. Le fait ainsi grandi et honoré n’est qu’une décevante illusion, l’illusion des prisonniers enfermés dans la caverne de Platon. Et non pas seulement décevante, mats desséchante et triviale. N’est-ce pas payer cher une équivoque ? Aussi l’admiration qu’on ressent pour l’exacte plénitude de ces œuvres fortes manque décidément de sérénité… Surgit amari aliquid.

Ceux qui ne voient dans la crise actuelle du théâtre que les méfaits du vaudeville, je le répète, ils, ont la vue courte. La technique se conforme à l’idée. Outre qu’il y aura toujours une distinction à établir entre les tours d’adresse d’une habileté professionnelle et les lois générales de l’Art, — d’autant plus impérieuses ici, que le théâtre, éternellement condamné à l’expression sensible et lucide des choses, est, plus qu’aucun autre genre littéraire, soumis aux nécessités de composition, d’ordonnance, de cohérence, de vraisemblance, de gradation et de clarté ; — non, des tableaux de la réalité ne sont pas la réalité ; les membres épars d’un poème ne sont pas un poème ; les plus beaux fragments de l’antique ne suppléent point à la ligne harmonieuse de la statue mutilée et comme morte ; et, au contraire, de ce qu’ils en laissent deviner s’augmente notre regret, qui nous gâte le plaisir. Et, cela dit, la question est plus haute, et d’un autre intérêt.

Il s’agit simplement de savoir si l’art dramatique s’engagera toujours plus avant dans un réalisme qui,