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HENRY BECQUE.

de même… Si cette histoire vous ennuie, nous allons la recommencer. La pauvreté d’invention est manifeste ; l’intérêt languit ; il faut le ranimer à tout prix.

La simple réalité ni l’observation ne suffisent plus ; on va un peu au delà, par crainte de rester en place, et parce qu’après tout il faut bien avancer, ou faire la semblant. Les caractères, nettement accusés au début, se compliquent et s’évertuent. De là tant de surprises, qu’on nous donne pour des audaces. En voulez-vous des exemples ? Il y a dans Michel Pauper un baron Von der Holweck, âgé, ruiné, un Desroncerets célibataire, élève de Laplace, ami d’Arago. Depuis un temps, il a renoncé à payer son propriétaire, le pauvre homme ; avec les années, il a perdu quelques illusions de jeunesse, l’excellent savant ; Hélène, dans un transport de fierté blessée, avoue qu’elle aime le comte de Rivailles, un neveu à lui, et les violences qu’elle a subies. Que vouliez-vous qu’il fit ? Il sermonne le brutal, l’engage à épouser, essuie un échec, et, ma foi, par ma foi, s’offre à épouser lui-même. Je réparerai, c’est sa devise. Et il dépose aux pieds de l’amoureuse déçue ses parchemins, son extrait de naissance, et le papier timbré de ses créanciers. Il parait que cela est plus vrai de la sorte, que si le neveu, riche et jeune, refuse de contresigner ses fredaines, c’est l’oncle sexagénaire et décavé qui y met son seing, en bon petit jeune homme.

Teissier est un homme d’argent, qui veut, avant tout, liquider à bénéfice. Teissier est vieux, Teissier a vécu. Eh bien, en pleine liquidation (voyez la malechance !) il est pris d’une démangeaison, que dis-je ? d’une frénésie, qui le pousse à outrager une jeune fille, à l’épouser ensuite, au pis aller, et à l’avantager de la moitié de sa fortune. Il aimait l’argent : il a réfléchi, cet homme. Ne sentez-vous pas combien il est plus moderne et plus pervers ainsi ?