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LE THÉÂTRE D’HIER.

qui aimait trop la danse ; et elle compte sur Éloi, le voisin, pour la sermonner et l’assagir.

« Vous êtes le parrain de ma fille. Éloi ; c’est votre devoir de lui faire de la morale, et elle en a besoin. » — « Je lui en ferai, » — « Vous lui parlerez avant le diner, n’est-ce pas ? Après le diner on a un peu bu ; on est en train de rire, ça ne vaudrait rien. » — « Quand vous voudrez… »

Oh ! la bonne petite morale, pas méchante, ni austère, ni renfrognée, ni relâchée, ni dogmatique, ni casuiste, mais combien philosophe ! En vérité, cet Éloi est un sage, qui sait que certaines brèches ne se réparent point, et que la vie n’est pas si longue, et qu’elle est assez pénible, pour qu’on n’aille pas encore la compliquer de préceptes raffinés et d’impératifs catégoriques. Qui, c’est un sage, le voisin Éloi, une âme sereine, compatissante aux hommes et bénigne aux choses. Il y a dans son sermon un grand fonds d’expérience, d’indépendance, et de fierté blessée, de dignité souriante et de charité très chrétienne : cela est assuré.

« Bonjour, Clarisse ! Embrasse ton parrain, mon enfant, il ne s’en plaindra pas. Je ne reviendrai pas sur le passé. Tu as perdu ton honneur, et tout ce que je dirais, n’est-ce pas ? ça et rien, ce serait exactement la même chose. Marche toujours la tête haute, fillette ; j’en ai connu, et de plus huppées que toi, qui vivaient comme des pas grand’chose, et on ne l’aurait jamais cru à les entendre parler à leur concierge. Sois sage, si ça t’amuse, mon enfant ; amuse-toi, si tu ne peux pas être sage ; tu chanteras plus tôt que tu ne crois :

Il n’est qu’un temps pour la folie,
Les amours n’ont qu’une saison. »


Remarquez aussi que cette fantaisie drolatique serre, au moins par la forme, la réalité d’assez près, et que, si c’est du Labiche, ce n’en est pas du pire, certes.

Encore une fois, la pièce n’est pas d’ensemble ; les personnages courent les uns après les autres pour se conter leurs affaires, et c’est merveille qu’ils se rencontrent ; le troisième acte surtout est un peu long et fatigant ; et cependant il y a dans tout cela une certaine