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LE THÉÂTRE D’HIER.

n’est pas sans réplique ; et chacun sait que Gargantua pleurait en riant et riait en pleurant. « Le cœur a ses raisons, que la raison ne connaît pas. »

M. Sardou a les siennes. Son esthétique se résume en quatre mots : la pièce à faire. À court d’observation, il sait mieux que personne tout ce qu’il faut de matériaux pour construire une pièce. N’ayant jamais de quoi en faire une, il en fait deux. Il a une idée de comédie, empruntée des mœurs du jour, qui donne le titre à l’ouvrage. Par une heureuse disposition de sa nature, il cueille sans effort une situation au cœur de l’actualité. Il tient donc son sujet. S’il avait le don de le nourrir, et de le mûrir par l’observation attentive et pénétrante, il atteindrait peut-être à la plénitude et à la sérénité de la haute comédie sociale. Mais faut-il le redire ? Il imagine. Sur l’idée de comédie se greffe une idée de théâtre. Quand vous lisez l’affiche : pièce en cinq actes de M. Victorien Sardou, défiez-vous de ce cliché ; et traduisez : comédie-vaudeville en un ou deux actes, augmentée d’un mélodrame par M. Victorien Sardou. Il n’écrit point de pièce en cinq actes ; il donne cinq actes, d’un spectacle coupé. La comédie change avec le sujet ; pour le mélodrame, il est immuable. Parfois seulement, dans les jours de hâte, quand il est pressé par la commande et débordé par les directeurs étrangers, il simplifie la besogne, et se contente d’un prologue décoratif, qu’il ajuste à deux actes de la Haine, qu’il garnit d’un épilogue très foncé. À vrai dire, quand le mélodrame commence, M. Sardou n’abandonne pas son sujet, comme on l’a injustement répété, il n’esquive pas l’étude qu’il s’était proposée. Il en a fini avec l’un et l’autre ; il a épuisé ce qu’il en savait ; et n’ayant plus rien à dire, il y ajoute quelque chose. Si nous reprenions l’histoire de Jacques et de ses amours… ? Nos Intimes sont nos pires ennemis ; si nous reprenions l’histoire d’une femme mariée qui s’ennuie… ? Nos bons Villageois de la banlieue sont des légumiers ignorants,