Page:Parigot - Le Théâtre d’hier, 1893.djvu/414

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
354
LE THÉÂTRE D’HIER.

Au dénoûment, les bons se marient, et les méchants punis restent célibataires. — Quant aux immortels principes de 89… — Au fait, pourquoi M. Sardou leur tient-il rigueur ? Cette contradiction m’obsède. Il me semblait qu’entre les mains de certains démagogues, ils étaient devenus comme les imprescriptibles axiomes de toutes les égalités, de la moyenne universelle, de la banalité radieuse, dont j’avais cru découvrir enfin la formule exacte et appliquée dans cette morale mitoyenne, d’une médiocrité consolante et unie…

Aussi bien, M. Prudhomme, assis en son fauteuil d’orchestre, y retrouve les enthousiasmes de sa jeunesse et les joies réfléchies de son expérience. Cette morale est faite pour lui ; il vient pour elle ; il l’attend ; il la flaire ; l’auteur la lui cuisine à petit feu, et, quand elle est à point, la lui sert toute parée. Un trémolo discret annonce le service. Car c’est peu de dire la vérité ; le point est de la dire au bon moment. Foin de ces auteurs présomptueux qui brusquent le parterre pour lui imposer le régal de leurs idées ! Toute idée, même morale, qui n’est pas relevée d’une piquante imagination scénique, court le risque de déconcerter les esprits. Et voilà pourquoi, si les maximes de M. Sardou ne sont pas profondes, profondes, ni neuves, neuves, elles visent du moins au mérite d’être gaies ou pathétiques, et si dextrement amenées, que notre sensibilité naïve se laisse ravir d’une douce émotion à cette douce banalité. Elles sont comme des ressorts apparents qui tendent ou détendent à discrétion le jeu de la scène ; un signal met la machine en mouvement, qui tend ou détend nos esprits à l’unisson.

Alors le personnage, qui est sur le théâtre, se tutoie ; et ce tutoiement est le présage d’une leçon émue et familière qu’il nous veut donner.

« Travaille donc, forçat ! Épuise-toi le corps et l’âme pour ta femme et ton enfant !… »