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LE THÉÂTRE D’HIER.

reconstitue, il combine avec bien de l’adresse. Cette imagination est presque un phénomène. Elle revêt toutes les apparences de la psychologie, de la vie ; elle attrape l’esprit sans peine ; elle met le feu à la verve ; elle brandit le spectre de la douleur ; ni le rire ni les larmes ne lui résistent ; elle va d’instinct aux situations amusantes ou pathétiques ; pour les ressources du métier et les machines de la scène, elle a joliment menuisé tout cela, c’est le fin du fin. Et c’est tout de même un plaisant spectacle que l’industrieux manège de cette faculté intrigante et suppléante, qui tire tout à soi, si souple et ingénieuse, qu’elle a pu donner l’illusion de l’art, et aussi de cette autre chose, qu’on lui demande en vain, et qui est l’âme même des artistes.


II

LE RÉALISME ET « L’ÉQUATION PHILOSOPHIQUE ».


Un auteur dramatique, né Français, qui pense et qui voit, a une opinion personnelle sur le sentiment dramatique et français par excellence. C’est l’amour que je veux dire. Quand il a contemplé son époque, il a percé à jour les démarches de la passion, aux prises avec les travers ou les vices de la société contemporaine. Ceci éclaire cela. Et de cette lutte, ou de ces contrariétés, ou de ces accommodements il lire une morale, qui est la philosophie même de ses ouvrages et le levain de la pâte humaine qu’il pétrit. Sur ce point, tous les dramaturges sont réalistes ; et tant vaut le réalisme, tant vaut l’observateur : l’un est la mesure de l’autre.

M. Sardou écrit pour le théâtre depuis tantôt quarante années. L’amour est à toutes les pages de son