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LE THÉÂTRE D’HIER.

Pourceaugnac. Froufrou refait à rebours la scène d’Armande et d’Henriette des Femmes savantes ; dans la Cigale je crois revoir le déguisement de Toinette en médecin vert-galant. Je rencontre ici Marivaux, là Beaumarchais, ailleurs de Musset, et jusque dans le cachot des maris récalcitrants est-ce que ne voilà pas Latude ou trente-cinq ans de captivité ? Tant de classicisme m’effare.

MM. Meilhac et Halévy ont de la littérature ; et, comme ils ont encore plus d’esprit, leur littérature ne leur est pas une gêne. Oh ! qu’elle ne leur est pas une gêne, leur littérature ! Adroits et malins ouvriers de théâtre, du minuscule et coquet théâtre des Variétés, ils brochent sur les plus sacrées traditions les motifs les plus modernes, avec une discrétion effrontée. Leurs expositions sont étincelantes ; leurs narrations étourdissantes (voir celles de la Cigale et de Marignan) ; leurs déclarations stupéfiantes, et leurs dénoûments philosophiques. Je recommande aux amateurs de logique inédite la fin de la Petite Marquise, — et le dernier acte de la Boule, qui est d’une moralité supérieure.

« Ah çà, mais est-ce que vous vous figurez que c’est pour mon plaisir que j’ai des maîtresses ? » — « Pourquoi ? » — « Parce que je ne puis pas faire autrement, parce que je suis né pour ça, parce qu’il y a une fatalité qui me pousse… »

Et c’est la clé d’un chef-d’œuvre, la Belle Hélène. L’algèbre du théâtre est pour eux un jeu d’adresse, où ils prennent plus de plaisir que de peine, et déploient plus de grâce que d’effort Et des frises s’épand sur la scène comme un parfum d’ironie volatile : opérette ou comédie, selon la dose.