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EUGÈNE LABICHE.

geoise, avec tous les ridicules de surface qui apparaissent avec le bout du nez et que chacun porte sur soi comme une enseigne : des entours plaisants, et point de dessous, et à la bonne heure. Qu’on me parle de la bonne humeur qui y règne : d’accord ; mais pour Dieu, laissons la philosophie et la profondeur ! Rappelez-vous une jolie scène de la Poudre aux yeux, la discussion du budget d’un futur ménage, entre belles-mamans.

« Dès demain, nous leur chercherons un appartement. » — « Un entresol ? » — « Oh ! c’est bien bas un entresol. » — « Un second ? » — « C’est bien haut, un second. » — « Alors, un premier ?… C’est une affaire de cinq à six mille francs. » — « Mettons dix mille francs… Appartement, toilette, voiture, un petit cocher, six, douze, dix-huit, vingt-quatre… Total vingt-quatre mille francs… Cela me parait bien… » — « Ce n’est pas trop. (À part). Ils doivent donner une forte dot. »

Voilà qui est bien vu et bien venu : cette émulation de la vanité est de bonne bourgeoisie, et le mot de la fin peut passer pour un trait de mœurs, par-dessus le marché. Qu’on me dise si dans cette scène et dans les voisines, apparaît un caractère, si la psychologie de Mme Malingear en est plus complexe et pénétrante, parce que la bonne dame vérifie le livre de sa cuisinière, et si une mère, qui marie sa fille, n’a point de soucis plus intimes, de travers moins extérieurs, de passion moins banale, moins commune à toute sa classe, ou sa caste, comme il vous plaira, et qui donneraient proprement une âme à cette estimable et presque anonyme ménagère. Je cherche une mère, et je n’en trouve qu’une, qui s’est faite homme par aventure : M. de Vancouver, le papa de son Isménie. Et pareillement, il n’y a dans toute cette œuvre qu’une petite fille, qui voudrait bien se marier, qui sait la grammaire, qui pratique le piano, le même piano bourgeois, d’occasion, et qui en « joue » suffisamment, trop suffisamment pour mon goût. Avant le mariage, c’est le triomphe de l’unité.