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LE THÉÂTRE D’HIER.

grand renfort de belle humeur, avec une légère dose d’observation point méticuleuse, pleine de sens, cueillie à la fleur du ridicule, plutôt que taillée dans le vif, beaucoup plus expressive et démonstrative que pénétrante, et qui emplit la scène du geste et du bruit de la vie bourgeoise, sous les bouffonnes espèces de bons vivants. Et vraiment, elles vivent, ces figures de fantaisie, grâce sans doute à quelques traits de réalité apparente et surtout extérieure, mais aussi, et d’abord, par le mouvement qu’elles se donnent, et l’inconscience de l’esprit qu’elles ont ou de la niaiserie qu’elles respirent, captivantes de bonhomie et implacables de bêtise.

Cet entrain, cet élan qu’il leur imprime tient, certes, à la force drue de son imagination. Il n’est pourtant pas impossible de saisir les procédés de sa fabrication ordinaire. D’abord il dessine avec netteté ; il accuse les contours ; il appuie sur le crayon ; il exagère le trait caractéristique de la physionomie, la tare plastique, si je puis ainsi dire. Quiconque a vu un rôle de Labiche tenu par Geoffroy ou Hyacinthe est intérieurement déçu, s’il le voit interpréter par un nez différent ou un autre fausset. Les tics, les infirmités, et toutes les misères physiques, indigestions, migraines, maux de dents, sont des ressources inestimables. L’oncle Vésinet est sourd ; Tardiveau transpire lamentablement ; celui-ci a le pied vif, cet autre la main leste. L’un est timide comme une sensitive, l’autre bredouille comme un idiot. Ils ont presque tous un tic qui les envahit, et qui décide quelquefois du sujet même de la pièce. Quelques-uns n’ont de personnalité que le patois qu’ils parlent, alsacien, auvergnat, ou hidalgo : il n’y manque que le bas breton. Personne n’a su appliquer plus jovialement au théâtre la classique théorie des âges. Il n’y fait pas bon pour les femmes de vieillir, ni pour les filles de mûrir. La calvitie est encore une lacune morale, qui n’échappe pas au