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LE THÉATRE D’HIER.

l’auteur comique en était réduit à l’éternel dilemme de l’amour ou du couvent.

Mais M. Pailleron étudie un monde, qui est en travail de maximes nouvelles, où l’autorité s’est affaiblie par la désaffection, où la sœur est veuve, la marraine séparée, le père blasé, le frère intermittent. La discipline s’est relâchée, à mesure que les traditions se démodent. Au lieu d’être modestement assise sur la chaise ou le tabouret, parlant peu, ne répondant qu’à bon escient et avec réserve, la jeune fille a conquis sa place au fauteuil, elle a son tour d’égalité, elle est en posture d’écouter, de parler, et de voir. Et elle voit que les hommes passent au fumoir, ou s’empressent à la table de jeu, ou causent politique, ou poussent l’intrigue, ou s’esquivent ; et, dans ce moderne brouhaha, où elle n’entend pas très clair, elle saisit bien des étrangetés et devine enfin que la question du mariage s’est déplacée, qu’il ne s’agit plus de savoir si elle épousera Valère, mais si elle rencontrera un Valère qui consente à l’épouser. Sa timidité est plus anxieuse, et son ingénuité plus perspicace. Pendant le bal rappelle la gracieuse fantaisie d’Alfred de Musset. Mais il n’y est plus question des éperons d’argent qui brillent dans la rosée. C’est du mariage qu’il s’agit.

Dire qu’on ne sait pas lequel sera l’époux !


Il y a dans l’Ange ingrat, cette comédie où fourmillent les détails d’observation, un coin ravissant d’une vérité prise sur le vif, qui nous révèle les industrieuses machines dont s’échafaude une union assortie. Madame Hébert n’a pas assez de prévenances, de douceurs habilement combinées pour retenir Lahirel, un célibataire de trente-cinq ans, un peu fripé, qui s’est « établi jeune homme à marier ». Mais on ne séduit pas Lahirel, qui s’insinue partout où il y a des jeunes filles en âge d’être pourvues, et y jouit,