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LE THÉATRE D’HIER.

Remarquez qu’il fait des vers, pas excellents, mais il les fait. Il n’est pas très fixé sur le choix de son idole, et sa poésie est à tout événement : mais il compte sur elle. Un peu neuf, le capitaine. Je préfère la poésie du sous-préfet : celle-là, au moins, a un objet précis. Et puis, lui aussi, il est fort empêché d’agir seul. Livré à lui-même, il bredouille, comme M. Gillet, le notaire, qui n’est pas un tacticien, et finit par demander aide et protection à sa tante : ce qui n’est pas précisément la marque d’un praticien accompli. Il fait du demi-Musset, ou du demi-Marivaux, à moins qu’il ne fasse simplement de la musique de chambre, comme dans le monde, une musique vague et enveloppante, qui s’apprend de mémoire, qui se récite sans effort, et qui est le signe d’une insuffisance très moderne à sentir vivement, et à penser par soi-même. Ce qu’on ne sait plus dire, on le chante. En vérité, M. Pailleron, qui a bien de l’esprit, est cruel pour la jeunesse dorée.

Ses sympathies vont ailleurs. La dernière génération, qu’il a vue naître et grandir, n’est point de son goût. Il lui préfère les hommes de quarante ans, qui sont presque de la sienne. Ils tiennent encore, par certains côtés, à la vieille éducation, qui a résisté à la poussée contemporaine. Lahirel et Gontran Desaubiers ont des ridicules agréables, distingués ; et, si à l’un est décochée l’épithète de Tartufe, n’ayez pas la candeur de prendre le mot au pied de la lettre, et veuillez croire que la morale, la saine morale, est seule responsable de cette vilaine injure. Je n’en voudrais pour preuve que le caractère d’homme, le plus aimable et le plus original que M. Pailleron ait mis au théâtre, celui qu’il a dessiné avec complaisance, et dont il a caressé l’esquisse tendrement. Max est l’homme du monde, qui a fait de l’amour sa carrière, et la parcourt en conscience. L’auteur en a fait une sorte d’Ariste, selon ses idées et son cœur. Car tout est changé depuis Molière, et puisqu’Horace est devenu sceptique et oublie d’avoir vingt