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LE THÉATRE D’HIER.

enfin il n’y a aucune raison sérieuse pour rejeter d’emblée cette conception du théâtre utile ; et il y aurait, au contraire, autant de naïveté à lui objecter la formule de l’art pour l’art, qui, en vérité, ne signifie pas grandc’hose, que d’impertinence à renvoyer dédaigneusement M. Dumas à ses tréteaux, qui, après tout, sont aussi glorieux que d’autres. Reste pourtant à contrôler la valeur de ses Idées : car il est manifeste que tant vaudra la doctrine, tant vaudront l’œuvre et la salutaire influence qu’elle prétend exercer. Et cela fait, encore faudra-t-il établir que cette œuvre même en est sortie plus vraie, plus vivante, plus morale, et plus parfaite. Car notez que le théâtre utile est à ce prix. Autrement, à quoi bon perdre en plaisir ce qu’on ne gagne pas pour sa propre édification ?

Je ne ferai pas à M. Dumas l’injure (le lui dire que sa doctrine manque d’Idéal : au contraire, elle en a plusieurs, ou du moins son Idéal s’est modifié à deux reprises, et à ce point que je me demande s’il a vraiment une doctrine. Remarquez que je ne songerais même pas à poser la question, si j’avais affaire simplement à un dramatiste, mais qu’elle se pose d’elle-même, puisque dans chacune de ses pièces il y a toute une part ostensiblement faite à cette prétention. Or, j’entrevois assez distinctement quelques problèmes juridiques ou moraux qui s’agitent sur son théâtre ; mais je ne suis plus très assuré qu’après des réquisitoires semblables il ait pris des conclusions identiques. Ces variations du penseur, qui ne seraient peut-être que variété de ressources chez un dramaturge ordinaire, me laissent à présent indécis et troublé. J’ai peur que l’homme à Idées et l’homme de théâtre ne soient un peu défiants l’un de l’autre, quand il s’agit de M. Dumas, et souvent frères ennemis.

Et d’abord, son premier Idéal, le premier en date du moins, celui de la justice souveraine et de la loi réformatrice. — M. Dumas a proclamé à intervalles