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ALEXANDRE DUMAS FILS.

venteur. Il connaît trop les maîtres pour ne pas répondre qu’il y a une thèse dans la plupart des grandes comédies de Molière, qu’elle se développe même par un raisonnement en forme au ier acte de Tartuffe, que le xviiie siècle n’a point répugné à ce genre, et qu’ainsi lui-même n’a fait que suivre l’exemple de ses prédécesseurs. Seulement, ce qui chez eux n’était qu’une tendance est devenu chez lui une méthode. Il a pensé que la représentation des mœurs et des vices d’une société, à l’aide de personnages vivants et agissants, était condamnée désormais à la banalité ou à l’impuissance, que le spectacle n’en laissait à l’esprit du spectateur qu’une impression superficielle et artiste, si je puis dire, et que l’écrivain pouvait avoir plus noble et plus haute visée que de se trainer à la remorque de son temps, et d’en refléter l’image plus ou moins déformée. En un mot, il a entrevu assez vite le théâtre civilisateur, qui joint la leçon à l’exemple, et qui impose ses conclusions.

« C’est ce que j’appelle le théâtre utile, qui ne veut pas se contenter de faire rire et pleurer, qui veut faire réfléchir aux risques et périls de l’auteur, et qui va jusqu’à interroger la conscience et troubler la quiétude des gens, qui, sur la foi d’idées reçues, de mœurs faciles, de lois incomplètes et insuffisantes, se déclarent et même se croient les plus honnêtes gens du monde[1]. »


Et plus loin :

« Autrement dit, nous devons nous faire plus que moralistes, nous faire législateurs. Pourquoi pas, puisque nous avons charge d’âmes ? »


Législateurs. — C’est peut-être beaucoup : car je me défie des lois d’exception, dont la nécessité est démontrée par des personnages d’exception, tels que ceux d’un drame, pour vivant et vécu qu’il soit. Mais

  1. Préface du Fils naturel.