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ALEXANDRE DUMAS FILS.

culte ni n’absorbe ni ne décourage la foi raisonneuse, quoique sans hérésie. Il admire la beauté des mystères, et il se défie des miracles. Il ne sera jamais un martyr, sans être pourtant rebelle aux coups de la grâce. Sa religion est un peu positive, un peu oscillante, mais il ne l’abjure point. Et il me semble, en effet, qu’il est assez voisin de l’état psychologique de ces prêtres, puisque prêtre il y a, que les idées libérales ont garantis du fanatisme, sans leur enlever la suprême croyance à la Bonté et à la Charité, qui est le tout de leur vie, Aussi bien, il sauvera madame de Simerose comme Olivier a sauvé madame de Lornan, par amour de l’art, ou, si vous craignez les grands mots, avec la pensée de faire une bonne action sans gaucherie, et pour l’honneur de la science qu’il a acquise, et qu’il a seulement le défaut de professer. — Lebonnard, qui ne dogmatise point, est un de Ryons exquis ; il connaît mieux l’homme, s’il connaît moins la femme. Sa science est plus désintéressée : partant, exempte du moindre pédantisme. Lebonnard est exquis : il est croyant sans défaillance, et savant sans ostentation. Ce n’est pas lui qui de professeur mondain aura jamais l’ambition de devenir professeur au Collège de France. Les lauriers de Rémonin[1] ne l’empêchent pas de dormir.

Celui-ci a vieilli dans le célibat et les livres. Il a des théories : il a des tics de métier ; il a des manies, et même des marottes, n’ayant jamais vu la vie qu’à travers les vitres de son laboratoire. Cette fois le type s’alourdit ; les autres causaient ; il disserte, il enseigne ; et enseigner, c’est rabâcher. Il a fréquenté l’hôpital ; il a des idées fixes ; il fait sa leçon d’amphithéâtre, et il la redit pour ses amis, dans le tête-à-tête ; il promène en société, avec son officielle assurance, ses cornues, ses réactions, et ses précipités. D’ailleurs dilettante

  1. L’Étrangère.