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LE THÉATRE D’HIER.

voient clair et juste, avec, encore, une nuance d’égoïsme (le positivisme a mis aussi sa marque là-dessus), mais affiné, discret, sagace, et qu’il faut deviner. Leur principale vertu est une expérience exempte de tristesse, un don de perspicacité indulgente plus qu’attendrie. De manière que l’observation, qui est la force vive de ce théâtre, est encore la vertu de ceux qui y font le personnage de moralistes attitrés. Plus tard, M. Alexandre Dumas et Olivier ont pris de rage, l’âge de Thouvenin et de Rémonin précisément.

À toutes les époques un peu troubles et de transition, dans un certain monde surtout, où le luxe et le bien-être n’aident guère à réfléchir ni à penser, la clairvoyance est un à peu près de vertu, un rudiment de sagesse. Il est clair que ce fut la première maxime de M. Dumas. Il a pris en pitié les imbéciles, comme il dit, et fait état de la sagacité. Maximilien, le cousin de Diane de Lys, ne passera jamais pour un homme austère ; mais il est la première ébauche de cet homme du monde, l’honnête homme du siècle, à qui de bons yeux tiennent lieu d’évangile, et que le sens de la vue préserve des précipices et met en garde contre les petites infamies. Diplomate, élégant, satisfait de sa personne, juste assez pour être entreprenant sans ridicule, il serait déjà le Parisien affiné et presque moral, je ne dis pas sévère ni héros de vertu, sans une étourderie parfois impertinente que son âge excuse, — et aussi l’époque de romantisme finissant, où il est né.

Olivier de Jalin et de Ryons[1] sont plus compliqués et plus modernes, au point qu’ils ont pu en même temps révolter des délicats comme M. Weiss, réjouir des philosophes tels que M. Taine, sans répugner aux menues coquetteries pessimistes

  1. Demi-Monde ; l’Ami des femmes.