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ALEXANDRE DUMAS FILS.

elles se sacrifient ; et cela encore est un signe du temps. Car ce qui est de toute nécessité, c’est que l’homme se rattrape des trahisons des coquines qui le trompent, sur la résignation des autres qui ont eu la candeur de l’aimer, et qu’où les premières sont toutes-puissantes, les autres soient humiliées et ravalées. Tout ce qui brille est or dans un siècle où l’or seul est quelque chose. Et c’est aussi pourquoi il n’y a point de jeunes filles dans ce théâtre, ou si peu que rien. Elles ont toujours l’air d’y être déplacées, et profanées, comme dans le Demi-Monde. Et, en vérité, je me demande où M. Dumas aurait trouvé le contrepoids nécessaire à tenir son œuvre en équilibre, s’il n’avait, par un subterfuge que tout le monde lui pardonnera, projeté en avant de la scène quelques types de mères, non point optimistes et confiantes comme Mme de Périgny[1], ou diplomates et assagies, comme Mme de Thauzette[2], mais des mères qui ont vidé la coupe d’amertume, et qui, victimes de l’amour, se sont réfugiées dans l’amour maternel, modestes et repliées, comme Clara Vignot[3], repentantes et à jamais attristées, comme Mme de Montaiglin[4].

De ces victimes il a fait des figures sympathiques et imaginées avec quelque tendresse, qui nous remettent et consolent des autres, mais qui ne nous sauraient consoler ni de l’égoïsme candide de l’homme, ni de sa niaise superstition, ni de son ouvrage, ni de la femme moderne qui en est sortie, frivole, inconsciente, superflue, et divinement déséquilibrée. Tel n’est point l’avis de Mme Leverdet ; M. Dumas s’en était, je pense, un peu douté.

  1. La Princesse Georges.
  2. Denise.
  3. Le Fils naturel.
  4. Monsieur Alphonse.