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ALEXANDRE DUMAS FILS.

que, et son rêve tombe à plat devant les exigences d’un amant, qui est un homme ; et, dans un transport de colère, de désespoir, de dépit et de fierté outragée» elle se jette aux bras du premier venu (qui, par bonheur et par hasard, est un gentilhomme), honnête femme, avec un mensonge aux lèvres, vierge, sans autre désir que celui de se venger… de ses illusions, et de noyer ses aspirations éthérées. Bien lui prend que quelqu’un fasse la lumière dans son cœur, et la remette sur le chemin de son amour véritable, qui était le mari. Non, je ne crois pas qu’il y ait dans tout le théâtre contemporain de figure féminine plus complexe à la fois et plus simple, et qui donne plus à réfléchir sur la moderne apothéose de la femme, dont la société a fait un ange dévoyé, — ou pervers.

Car M. Dumas a voulu la sauver, celle-là. Mais supposez que l’amant soit un tacticien plus sceptique et plus habile. L’amour idéal sombrait dans l’adultère, et l’adultère se traînait dans la lassitude et le dégoût. En sorte que, si la vérité vous parait ici éludée en ses conclusions extrêmes, il vous est facile d’y suppléer. Contemplez Mme Leverdet[1], quinze ans après la faute, ou Mme de Morancé[2], six mois après l’aventure : — l’une qui, à la recherche de l’oiseau bleu de ses rêves, a mis la main sur M. des Targettes, un second mari plus encombrant et matériel que le premier ; elle n’est point guérie, la bonne dame ; elle se dépêche d’espérer encore (car l’âge vient) qu’elle atteindra après une seconde épreuve sa chimère : seulement, par une plaisante contrariété, c’est l’amant qui venge la morale, par le seul fait qu’il s’éternise et qu’on ne s’en débarrassera point ; — l’autre, une touchante figure de curieuse et de désillusionnée, qui n’a trouvé dans l’adultère que les plaisirs inquiets de deux ou trois équipées, l’intimité glaciale des

  1. L’Ami des femmes.
  2. Une visite de noces.