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LE THÉATRE D’HIER.

veines. » Alors, quoi ? — Alors, elle a été élevée, comme toutes ses compagnes, dans le culte de soi-même et de toute sa personne sacrée, dans la croyance à son règne et à la soumission du reste de la nature parmi les élégances d’une vie luxueuse, sans un pli de rose qui pût troubler sa quiétude en cette condition artificielle et cette surnaturelle posture. Elle a donc « une nature rebelle à toute espèce de domination », retenez ce point, et elle consent à être aimée, et elle se marie, non plus comme Diane de Lys, sans enthousiasme, mais par amour. Cherchez ce que peut être la première vision de l’amour en cette âme de vierge élevée dans un monde supra-sensible, et voici, j’imagine, par à peu près, ce que vous trouverez : réveil latent des sens, un désir vague d’un bonheur plus complet, plus parfait, plus intime, et aussi d’une extension de soi-même, d’une domination plus entière, d’une suprématie plus directe, plus consciente, quelque chose comme les premières sensations, encore confuses et déjà claires, de Galathée, au moment que la vie pénètre en elle avec la foi intime dans sa beauté souveraine, à la vue de Pygmalion prosterné. Toujours l’objet d’art qui s’anime, et du pays des rêves entre de plain-pied dans l’existence. On n’a oublié qu’une chose, c’est de l’avertir que le rêve, si loin qu’on le poursuive, est toujours inaccessible, et qu’il est la fiction de la réalité, et qu’il en est le charme, à la condition qu’il s’y plie juste assez pour l’embellir, sans la méconnaître. Recueillez ses impressions aux premiers frôlements de l’amour.

« Un jour, elle rencontre un homme jeune qui s’occupe d’elle plus que des autres jeunes filles, qui lui révèle ainsi qu’elle est une femme en âge d’être aimée. C’est le premier dont elle n’a pas envie de rire. Son cœur bat. Cet homme la demande à sa mère, il est agréé, il peut faire sa cour. La nature, la poésie, la musique deviennent leurs intermédiaires. De temps en temps un sourire, un serrement de main ; le soir une rêverie douce : la nuit un songe chaste, l’idéal, toujours l’idéal.

Enfin, après une cérémonie religieuse, où les anges eux-mêmes semblent