Page:Parigot - Le Théâtre d’hier, 1893.djvu/140

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
80
LE THÉATRE D’HIER.

pleine de suc. Mais un vieux libéral, de bourgeoise bourgeoisie, avec quelque chose — tout de même — du dogmatisme de M. Poirier, il l’est de naissance, par destination, par tempérament, et par honnêteté. Il n’est la dupe ni des hommes ni des mots, des hommes qui étalent à crédit une foi morte, des mots qui ont perdu leur sens, vaines étiquettes sur des fioles vides. Ici encore, c’est une contagion qui mine les croyances, un scepticisme professionnel, de pacotille et d’intérêt, qui agile ces manœuvriers de salon, de coterie, de ressentiment et d’intrigue :

Ces gens qui par une âme à l’intérêt soumise
Font de dévotion métier et marchandise,
Et pensent rattraper crédit et dignités
À prix de faux clins d’yeux et d’élans affectés…


Et par un contraste profond, une loyauté d’observation inattaquable, l’homme qui représente, en ce milieu où se joue la comédie de la foi, des idées et des convictions, le principe moderne ; le seul qui ait des idées, des convictions, et une foi à lui, en fait litière pour vivre de sa plume et bâcler les déclamatoires litanies des autres. Son heure n’est pas venue. Son fils instruit, enthousiaste, jeune, et qui croit à l’avenir, qui est l’avenir même, en est encore réduit à recopier des discours contradictoires, en attendant que son mérite conquière l’indépendance, et que se lève l’aube du lendemain. Il faut plus d’une génération pour affranchir les petits des intendants et des portiers. Il faut surtout qu’ils échappent à la contagion du moyen âge acharné, mais incrédule. Quant aux autres, ils sont impuissants, parce qu’ils sont indifférents, parce que leurs croyances se sont usées aux menus dépits, aux mesquines rancunes, aux velléités de pouvoir, aux machina-

    1891, et dont il me serait indécent de dire tout le bien qu’en pensent les admirateurs d’Émile Augier.