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LE THÉATRE D’HIER.

bien, mais il entreprendrait d’un bon cœur un voyage, pour rompre cette monotonie continue ; il l’aime enfin, et il la rassure, la bonne petite sœur, mais tout bas il s’avoue qu’il s’ennuie au logis. Et justement dans cet austère gite, tout à l’attente de revoir ce même jour les deux cadets qui reviennent du régiment, tombe une Parisienne capricieuse et coquette, madame de Montlouis, que Jean intéresse par sa mine sauvage et qui le ravit par son élégance raffinée. Cependant les frères arrivent ; et la famille de Thommeray fête le retour des enfants de la 'patrie.

Envoyé à Paris pour se distraire, Jean a embrassé Marie au départ et lui a engagé sa foi de revenir bientôt. Jeune, trempé par une éducation virile, soutenu par des traditions de noblesse séculaire, celui-là semble être à l’abri de la contagion ; et voilà l’homme sur lequel nous allons en étudier les rapides et détestables ravages. La comédie suit le fléau, à toute vitesse. À Paris, Jean a retrouvé madame de Montlouis. Leur passion a pris naissance du contraste qui les séparait. Il la voudrait moins coquette ; elle le désirerait plus moderne ; et à mesure qu’il se modernise, elle l’aime jusqu’à la douleur, avec le cuisant regret de l’avoir voulu tel. Et il se détache d’elle à mesure qu’il est davantage ce qu’elle a voulu. Elle l’a lancé dans la société que fréquente M. de Montlouis, abandonné à la compagnie des coulissiers, des joueurs et des agioteurs, confie à la direction d’un pied-plat de bas étage, qui fait tous les métiers, faute d’avoir trouvé le bon, et, dévoré de l’envie de s’enrichir, accapare Jean comme un fétiche et se charge de le déniaiser. Il en fait bientôt un dilettante, un homme fort ; il le lâche au sein du plaisir ; il l’y guide ; il l’y suit : les hasards de la fête et de la Bourse s’empressent de les mettre sur le pied d’égalité. De Marie il n’est plus question dans les déjeuners somptueux que donne Jean à ses amis du turf ; de madame