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LE ROMAN DES QUATRE

plus que jamais confiance, l’épreuve achève, une grande joie vous attend.

Henri Morin. »


Avec encore plus de fermeté que Mouton et Durand, elle déclarait d’ailleurs avoir reconnu son fiancé. Au reporter qui lui avait demandé si elle n’avait pas reconnu Pierre Landry dans le pseudo Morin, elle expliquait que, trop émue par l’apparition soudaine de Lafond, elle était incapable d’identifier les autres personnages.

Dans son éditorial, le journal ajoutait :

« Un fait inouï vient de se produire dans la vieille capitale ! En plein jour, devant une foule de quelque cent personnes, dans l’un des hôtels les plus fashionables du pays, d’audacieux bandits ont enlevé le malheureux Germain Lafond, ce noble jeune homme qui revenait au pays le cœur plein d’espérances après trois années de durs labeurs.

Il revenait l’âme en fête, anxieux de retrouver en notre ville la fiancée fidèle, la Pénélope amoureuse qui, depuis son départ, tendait de toute la force de son cœur et de son âme vers cette heure tant désirée de la réunion. Il revenait riche, colossalement riche, non seulement de sa jeunesse, de ses aspirations et de ses rêves ; mais d’une richesse matérielle qui lui permettrait de donner libre cours à ses désirs, de combler tous les vœux de celle qui devait partager sa vie.

Et voilà qu’au moment même où il croyait atteindre le but, à l’instant où il croyait arriver à la félicité, le sort farouche l’arrête, qu’il est entraîné on ne sait où, par des gens sans foi ni loi, que sa liberté, que sa vie même sont menacées.

Ces richesses qu’il avait désirées avec tant d’ardeur, comme moyen d’arriver au bonheur, lui ont été fatales. Durant ses longues pérégrinations à travers les forêts du nord, Lafond aurait découvert une mine d’or d’une valeur inestimable, d’une richesse telle que les placers du Klondyke et les rocs de Porcupine ne peuvent y être comparés et que, pour en avoir une faible compréhension, il faudrait évoquer les richesses fabuleuses d’Orphir et du Pérou. Comme preuve de cet avancé, nous avons le témoignage de ses deux compagnons, Durand et Mouton, nous avons surtout la conduite de ces financiers, ces éperviers toujours à l’affût de nouvelles victimes, écumeurs sans entrailles, le pseudo Morin et consorts, qui tentèrent d’acheter de Mouton, enregistré à l’hôtel sous le nom de Lafond, la mine découverte par l’ingénieur.

En constatant qu’ils allaient faire fausse route, que le Lafond auquel ils s’adressaient n’était pas le véritable propriétaire des trésors qu’ils convoitaient, ils conçurent sans hésitation un plan dont le machiavélisme dénote le criminel professionnel : enlever Lafond afin de lui arracher la signature d’un acte de vente de sa découverte.

Et à quelles extrémités n’auront pas recours ces rapaces pour obtenir cette signature ? Les lettres de menaces qu’ils ont envoyées aux deux trappeurs, la séquestration qu’ils ont fait subir à la fiancée de l’ingénieur, l’audacieux enlèvement de Lafond, enlèvement opéré avec une hardiesse et un sang froid merveilleux, ne sont-ils pas une preuve que ces gens ne sauraient reculer devant rien ?

En face du danger qui menace l’un des nôtres, pourrions-nous rester insensibles ? Ne pourrions-nous rien faire pour secourir ce malheureux ? Dieu merci, il reste encore un fier esprit de chevalerie en notre bon peuple de Québec ! Nous remuerons ciel et terre, s’il le faut, mais nous arracherons Germain Lafond des mains de ses bourreaux, nous rendrons son fiancé à l’adorable jeune fille qui l’attend avec amour depuis trois ans !

Le « Monde », qui est surtout et avant tout le journal du peuple, offre une récompense de cinq cents piastres à quiconque lui fournira une indication pouvant conduire à la délivrance de Germain Lafond. »


III


(De la « Nation » du 5 août)
UN CANARD QUI A LA VIE DURE


« Notre confrère de la rue Saint-Jacques en tient fermement pour son fameux canard. Dans son extra d’hier soir, il nous raconte toute une histoire que ses reporters, clients trop assidus des « petites vues », ont brodée en marge du bon sens et de la logique.

La commère a décrété que le pauvre Germain Lafond est vivant et, s’il le faut, elle créera de toutes pièces un nouveau Lafond pour le substituer à celui qui, en réalité,