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singes se répondent par des cris lamentables, les éléphants font entendre un bruit comparable au tonnerre, et le voyageur est saisi d’effroi. Ayant rencontré un canal qui paraissait très-poissonneux, nous y pénétrâmes pour jeter l’épervier ; mais deux énormes crocodiles qui dormaient se réveillèrent et firent mine de s’élancer dans notre barque, ce qui nous engagea à rebrousser chemin au plus tôt. Nous faisions donc route en silence dans cette affreuse solitude, lorsque nous entendîmes tout à coup des cris confus et un vacarme épouvantable ; bientôt nous aperçûmes une multitude de grandes barques ornées de pavillons, de panaches et queues de paon, garnies de soldats en habits rouges, armés de piques et hallebardes, descendant la rivière avec la rapidité de l’éclair. Nous comprîmes de suite que c’était le prince talapoin (aujourd’hui roi de Siam) qui revenait de son voyage au Lao, où il était allé revêtir de feuilles d’or le phra-fáng, c’est-à-dire un arbre énorme de sapan ou campêche très-vénéré par son antiquité. Vite les rameurs de s’agenouiller et moi de me blottir dans la hutte de ma barque pendant le passage de Son Altesse, qui n’eut pas le temps de me reconnaître.

Pendant cinq jours nous ne rencontrâmes que