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Mais, suivant lui, cette lutte est bienfaisante, car elle profite à l’Espèce. Elle arrive au résultat salutaire de l’élimination des faibles, c’est-à-dire des non-adaptés. — La question serait de savoir, il est vrai, si les non-adaptés sont toujours les plus faibles. — Quoi qu’il en soit, d’après M. Ammon, le monisme a le dernier mot ; car au-dessus de toutes les luttes et de toutes les hécatombes de vaincus plane le génie de l’Espèce, le dieu de M. Ammon comme il est celui de Spencer.

La sociologie grégaire de M. Ammon peut expliquer sans doute les sociétés animales et les survivances nombreuses, il faut le reconnaître, du grégarisme qui subsistent dans les sociétés humaines actuelles (esprit moutonnier des foules, esprit routinier et anti-individualiste des corps constitués). Il n’est pas étonnant en particulier que M. Ammon, admirateur du pécorisme animal, soit à un tel point partisan de l’esprit grégaire qui domine dans le monde fonctionnaire et administratif[1]. Mais la sociologie de M. Ammon n’explique pas ce qu’il y a de vraiment original dans les sociétés humaines et ce que l’Évolution sociale accentuera de plus en plus : la lutte consciente de l’Individu contre le milieu, la volonté de vie individuelle, c’est-à-dire la volonté de faire triompher un idéal social qui, suivant la remarque de Nietzche, n’est jamais que l’expression d’un tempérament individuel, le reflet des instincts vitaux les plus profonds, vraiment dominateurs, de l’individu. — Dans cette lutte contre le milieu, dans cette âpre volonté de vie individuelle, s’affirme la vraie force, dans sa beauté triomphante, tandis que dans la lutte grégaire telle que la décrivent Darwin et Ammon, ce sont la plupart du temps le faible et le médiocre, avec leurs instincts de solidarité et de lâcheté grégaire, qui l’emportent. — Nietzche l’a admirable-

  1. Voir l’optimisme administratif de M. Ammon dans les Bases naturelles de l’Organisation sociale.