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L’expression société est, semble-t-il, plus large que celle d’État. La société est un cercle social plus vaste que l’État, qui comprend des rapports exclusivement politiques. Au contraire, le mot société désigne un complexus d’interactions sociales de toute espèce, économiques, juridiques, religieuses, morales, etc.

Une seconde différence, c’est que le mot État désigne plutôt un pouvoir coercitif, tandis que l’idée de société répondrait à celle d’une organisation et d’une croissance sociale spontanée. « L’État, dit M. S. Balicki, c’est la société unifiée dans une cohérence forcée[1]. » « Le mot société, dit le même auteur, répond à une formation consolidée par une longue pratique de solidarité sociale et libre en même temps de toute ingérence imposée du dehors[2]. »

Une autre différence sur laquelle ont insisté beaucoup d’écrivains politiques, c’est que l’on peut opposer l’État à la société comme on oppose la raison à l’instinct. Plusieurs auteurs (de Laveleye, par exemple) voient dans l’État une norme rationnelle supérieure qui s’impose aux activités sociales, inconscientes et instinctives, en vue de les discipliner et de les perfectionner. Toutes les définitions de l’État, depuis celle de Platon jusqu’à celle de Hegel, expriment cet élément rationnel inhérent à la fonction étataire. L’État apparaît ainsi comme la raison, le λόγος de la société, comme la formule idéale d’un code social destiné à discipliner les sourdes forces sociales qui s’agitent dans le domaine de l’inconscient et de l’irrationnel.

En d’autres termes, l’État serait une Idée rationnelle. Der Staat ist eine geäusserte, der Realität eingebildete Idee eines Volkes[3].

  1. S. Balicki, L’État comme organisation coercitive de la Société, p. 28.
  2. Balicki, op. cit., p. 21.
  3. Lazarus et Steinthal, Jahrschrift für Volkerpsychologie (Einlentenden Gedanken, p. 10).