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dans son ensemble ne s’arrêtera pas dans sa marche inquiète vers l’Idéal inconnu.

L’humanité est une énergie éternellement tendue vers un but qui recule sans cesse. La formule qui exprime son progrès doit être une formule dynamique et non statique.

D’après M. Bagehot, la marche du progrès social consiste dans le passage de l’âge du Combat à l’âge de la Discussion. Dans un chapitre : le Progrès vérifiable en politique, ce sociologue a admirablement analysé les bienfaits du régime de la libre discussion et du libre épanouissement de l’Esprit critique.

Suivant M. Sighele, le progrès social est une marche vers l’individualisme. Dans le monde antique, deux causes opprimaient l’individu : une religion nationale tyrannique et un droit de guerre atroce qui forçait la cité à prendre tout l’homme pour se défendre et pour subsister. « Là, nul ne peut se développer à part et pour soi ; nul ne peut agir ni penser que dans un cadre fixe. Tout au rebours dans le monde moderne, ce qui jadis était la règle est devenu l’exception, et le système antique ne survit qu’en des associations temporaires comme une armée ou en des associations partielles comme un couvent. Par degrés, l’individu s’est dégagé… c’est que les deux chaînes qui l’assujettissaient à la communauté se sont rompues et allégées[1]. »

Pour nous comme pour M. Sighele, le Progrès consiste dans une diminution progressive des exigences sociales, dans une diminution de l’Esprit grégaire, de l’Égoïsme de groupe, père de tyrannie et de mensonge. De plus en plus l’individu reculera les entraves devenues plus mobiles, dont on le garrottait autrefois. De plus en plus l’individu se mettra à sa vraie place, au centre des choses, par une révolution analogue à celle que Copernic fit en astronomie. De plus en plus l’indi-

  1. Sighele, Psychologie des Sectes, p. 87.