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l’instinctive sympathie qui rend les hommes sociables, la concurrence est impuissante et malfaisante. La lutte a aussi un caractère provisoire. Les luttes vont en s’élargissant et en s’atténuant. Un jour viendra où elles disparaîtront. Le progrès consiste à substituer à la rivalité confuse des intérêts qui s’opposent la délimitation précise des droits qui s’accordent.

Nous croyons que M. Tarde a raison sur les deux premiers points. Nous ne croyons pas à la nécessité des ricorsi historiques ni à celle des alternatives de croissance et de décroissance dans la civilisation. Nous croyons qu’il n’y a pas de raison pour que la quantité de connaissances et de richesses ne continue pas à s’accroître indéfiniment dans l’humanité.

Mais nous nous séparons de M. Tarde sur la question du caractère accidentel ou nécessaire des oppositions de sens. Nous croyons à la nécessité et à l’éternité de la lutte entendue de cette dernière manière. La lutte ne disparaîtra pas tant qu’on n’aura pas fait disparaître la diversité des individus, laquelle est bien un fait permanent et indestructible. À cause de cette diversité, les individus continueront, quoi qu’on fasse, à se dresser les uns en face des autres comme autant d’égoïsmes armés, autant de volontés de puissance distinctes et irréductibles. Irréductibles tant par leurs intérêts, leurs besoins et leurs désirs que par leur manière originale et personnelle de sentir et de refléter le monde. M. Tarde semble lui-même le reconnaître. « Le progrès social, dit-il, n’est pas dû à l’hostilité, quelque forme qu’elle revête, mais à l’ambition et à l’amour père de l’Invention et de l’Imitation. » Mais qu’est-ce que cette ambition dont parle M. Tarde, sinon une forme de la volonté de puissance et de lutte ? Et quelle est l’ambition qui ne suppose pas un obstacle à renverser, un adversaire à combattre ? Suivant nous, M. Simmel a raison contre M. Tarde quand il admet le caractère essentiel et indestructible de l’élément