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faire à travers la psychologie des divers groupes sociaux suffira, je l’espère, à montrer que l’État moderne est la forme dernière et la plus parfaite à laquelle la foule des hommes primitifs a mis longtemps à parvenir. — La loi d’évolution qui règne en maîtresse dans le monde social comme ailleurs explique cette analogie entre les deux types extrêmes qui, de prime abord, semblent n’avoir rien de commun[1]. » Le caractère commun de toutes ces conceptions est d’être unilinéaires. Elles expliquent tous les faits de détail par une prétendue loi qui contraindrait les phénomènes d’ensemble à évoluer dans un certain sens. Elles expliquent ainsi le petit par le grand, le détail par le gros.

Il est des sociologues qui trouvent cette méthode d’explication trop hypothétique et trop exclusive. Ces derniers préfèrent l’analyse à la synthèse ; au lieu de descendre du grand au petit, ils se sont efforcés de remonter du petit au grand. « J’explique les similitudes d’ensemble, dit M. Tarde, par l’entassement de petites actions élémentaires, le grand par le petit, le gros par le détail. Cette manière de voir est destinée à produire en sociologie la même transformation qu’a produite en mathématiques l’introduction de l’analyse infinitésimale[2]. » Ici on ne nie pas l’uniformité qui peut exister dans les ensembles, mais on soutient que cette uniformité, cette prépondérance finale d’une évolution sociale ne peut trouver son explication que dans la série des initiatives et des imitations individuelles. Ici l’explication est multilatérale, multilinéaire, individualiste.

« Les forces génératrices de l’évolution sociale, ce sont ces initiatives qui en s’accumulant sans cesse, s’utilisant réciproquement, forment système et faisceau, et dont le très réel enchaînement dialectique, non

  1. Sighele. Psychologie des Sectes, p. 53.
  2. Tarde, Les Lois sociales, p. 42 (Paris, F. Alcan).