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reposant sur la violence et la civilisation reposant sur le dol. La seconde atteint son apogée avec notre société bourgeoise actuelle. Dans son introduction au livre d’A. Menger sur le Droit au Produit intégral du Travail, M. Ch. Andler expose quelques-uns de ces mensonges : « Les codes en vigueur, dit-il, oppriment le pauvre ; ils ont laissé en dehors de leurs préoccupations les classes non possédantes. L’oppression qu’ils sanctionnent, ils en cachent d’ailleurs les moyens sous l’hypocrisie des aphorismes d’équité. Ils déclareront que tous les hommes sont égaux devant la loi, alors que les mêmes droits ne peuvent avoir la même efficacité chez ceux qui possèdent et chez ceux qui ne possèdent pas. Ils disent que nul n’est censé ignorer la loi, comme si pratiquement tous ceux qui ne font pas métier d’étudier la procédure, en pouvaient connaître les détours. Il résulte de là que les riches s’y retrouvent aisément, ayant pour guides des hommes de loi retors qu’ils salarient. Mais le pauvre s’égare dans le maquis où on le détrousse, où on le garrotte et où la moindre inadvertance est punie comme un crime. Ainsi l’État met au service des riches seuls l’appareil compliqué de sa justice de parti armée de peines brutales. »

Dans tous les dogmatismes philosophiques et moraux, dans toutes les tutelles et disciplines sociales, il y a une part énorme de convention et de mensonge. « Il y a, dit Nietzche, un mépris hypocrite de toutes les choses qu’en fait les hommes regardent comme les plus importantes, de toutes les choses prochaines. On dit par exemple : « On ne mange que pour vivre, » mensonge exécrable, comme celui qui parle de la procréation des enfants comme du dessein propre de toute volupté.

« Au rebours, la grande estime des « choses importantes » n’est presque jamais entièrement vraie : les prêtres et les métaphysiciens nous ont, il est vrai, accoutumés en ces matières à un langage hypocrite-