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mise, la victoire se déclara en sa faveur. Les juifs enflés de leur succès, & l’attribuant aux mérites de gédéon, lui proposèrent de le choisir pour roi, en lui disant : « Gouverne-nous, toi & ton fils, & les fils de ton fils. » Jamais tentation ne fut plus attrayante. Il ne s’agissoit pas seulement d’un royaume, mais d’un royaume héréditaire. Mais le pieux gédéon répondit : « Je ne vous gouvernerai point, mon fils ne vous gouvernera point non plus, dieu seul vous gouvernera. » C’étoit parler d’une manière assez précise. Gédéon ne refuse pas l’honneur qu’on lui offre ; il se contente de nier le droit qu’avoient ses compatriotes de le lui offrir. Il ne cherche pas non plus à les flatter par des remerciemens affectés ; prenant le langage positif d’un prophète, il les accuse d’ingratitude envers leur vrai souverain, le roi du ciel.

Environ cent trente ans après, ils tombèrent encore dans la même faute. Il est singulièrement difficile d’expliquer le penchant qu’ils avoient pour les coutumes des idolâtres ; quoi qu’il en soit, profitant de la mauvaise conduite des deux fils de Samuel, qui étoient chargés de quelques soins temporels, ils allèrent, sans préparation & en poussant des cris, trouver ce prophète, & lui dire : « Regarde, te voilà vieux, & tes fils ne suivent point ton exemple. Donne-nous un roi pour nous juger, comme en ont les autres peuples. » (Ici je ne peux m’empêcher d’observer que leurs motifs étoient repréhensibles ; ils vouloient être comme les autres nations ; c’est-à-dire, comme les payens, tandis que leur véritable gloire consistoit à leur ressembler le moins qu’il étoit possible.) Mais Samuel fut choqué de les entendre dire : « Donne nous un roi pour nous juger. » Il pria le seigneur, & le seigneur lui dit : « Écoute la voix du peuple dans tout ce qu’il t’adresse ; car il ne t’a pas rejeté, il