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— En route donc, dit Vassili Andréitch en se levant. Quant au partage, grand-père, ne cède pas. Va plutôt chez le juge de paix.

— Il fait tant de chicanes ! geignit le vieux, tant de chicanes, c’est le diable ! »

Cependant Nikita venait de vider son verre pour la cinquième fois et ne se décidait pas à le retourner. Il l’avait couché, au contraire, en travers de sa soucoupe espérant qu’on le remplirait de nouveau. Mais le samovar était vide. D’ailleurs, Vassili Andréitch endossait sa pelisse. Il n’y avait plus qu’à partir. Nikita se leva à son tour, remit dans le sucrier son morceau de sucre rongé de tous côtés, essuya du pan de sa blouse la sueur de son front et se dirigea vers son caftan, qu’il avait suspendu auprès du poêle pour le faire sécher.

S’en étant revêtu, il poussa un profond soupir, remercia ses hôtes, salua à la ronde, et quitta la salle chaude et claire pour le vestibule obscur et froid où le vent piaulait et où la neige pénétrait par les fentes de la porte. Puis il gagna la cour.


II


L’endroit où Nikita venait d’arrêter le traîneau était un peu garanti du vent par une faible élévation de terrain. Par instants l’ouragan se calmait, seulement ce n’était pas pour longtemps, et ensuite, comme pour rattraper les quelques secondes perdues, il soufflait et tourbillonnait avec plus de violence.

Un de ces coups de vent survint au moment où Vas-