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FREYSCHÜTZ

max

Mon cœur est fier et plein d’audace.

agathe

Braver le ciel ? Malheur ! malheur !

max

Au fond des bois, parmi les ombres.
Je n’ai jamais connu l’effroi ;
En vain, les vents, les chênes sombres,
Mugissent tout autour de moi.

(Il prend son chapeau, sa carnassière et son fusil.)
agathe

Vois mon angoisse ! Reste,
Pourquoi partir déjà ?
Quitte un projet funeste,
Car le malheur est là.


ENSEMBLE


annette

Oublie un vœu funeste
Quand son malheur est là.

max

Non, ce projet n’est pas funeste
Et rien jamais ne me troubla,

(Regardant avec tristesse par le balcon.)

La lune au loin, flambeau céleste,
Embrase encor
Son disque d’or ;
Mais il aura bientôt des voiles.

annette

Quoi ! tu regardes les étoiles !
Ma foi ! j’y songe peu ce soir.
Aux cieux, dis-moi, que crois-tu voir ?

max

L’heure m’appelle dans ce lieu,
Le devoir et l’honneur m’ont imposé ce vœu.

tous trois

Adieu !…

(Max sort rapidement, mais il revient sur le seuil de la porte,)


ENSEMBLE


agathe et max

La peine de l’absence
Remplit mon triste cœur ;
Ce n’est qu’en ta présence
Qu’existe le bonheur !
Pardonne à ma frayeur,
Allons, plus de frayeur.

annette

Ah ! courir souvent cette chance,
C’est le sort du vrai chasseur !
Ne tremble pas d’avance,
Allons ! allons ! plus de frayeur.

agathe

En ce moment d’alarmes,
Je sens mon cœur frémir.

annette

Allons, pas tant d’alarmes,
Viens en paix t’endormir.

max

Retiens, retiens tes larmes,
Je dois enfin partir.

(ils se font des signes d’adieu et sortent de différents côtés.)


CHANGEMENT DE DÉCORS


Gorge sauvage, en grande partie entourée de sapins et de hautes montagnes, de l’une desquelles se précipite une cascade d’eau naturelle. — La pleine lune pâle. — Deux orages sont en marche et se croisent. — Sur le devant, un gros arbre séché et pourri. Il paraît calciné par la foudre. — De l’autre côté, sur une branche noueuse, un grand hibou roulant des yeux pleins de feu. Sur d’autres arbres, des corbeaux et d’autres oiseaux des bois.



Scène IV

GASPARD, puis SAMIEL


gaspard


FINALE


chœurs d’esprits invisibles

Uhui ! uhui ! uhui !…
L’herbe tombe en pâlissant ;
À ces fleurs pourquoi du sang ?
Loin des feux du jour naissant
Sur le front de l’innocent.
Ô présage menaçant !
Le linceul des morts descend !

(L’horloge dans le lointain sonne minuit lugubrement. — Le cercle de pierre est achevé. — Au douzième coup, Gaspard tire précipitamment son couteau de chasse et l’enfonce dans la tête de mort, puis le brandissant appelle Samiel.)

Samiel ! Samiel ! parais !

(Samiel sort tout à coup d’un rocher qui s’entr’ouvre.)
samiel, parlé.

Que me veux-tu ?

gaspard, remettant le crâne dans le cercle et se prosternant.

Que me veux-tu ? Tu sais
Que des délais
Les jours bientôt seront complets.

samiel, parlé.

Demain.

gaspard

Demain.De grâce encor prolonge-les !

samiel, parlé.

Non ?

gaspard

Non ? Je pourrais
Payer tous tes bienfaits !

samiel, parlé.

Comment ?

gaspard

Comment ? Le jeune Max, ce soir
En ton pouvoir
A placé son espoir.

samiel, parlé.

Pourquoi ?

gaspard

Pourquoi ? Max veut avoir
Des balles enchantées.

samiel, parlé.

Bien ! six pour lui, la septième pour moi !

gaspard

Promesses acceptées !