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et pleine mer, à sept ou huit kilomètres du bord. — Toute brise un peu fraîche amène des grognements de la part de plus d’un. Le froid aussi en amène : après deux heures de sommeil dans ces conditions on a les membres raides, croyez-le, même lorsqu’il fait très beau ; à plus forte raison lorsqu’il pleut ou que le temps est simplement froid. — Mais j’aimais, quant à moi, cette vie-là. Je l’ai menée une vingtaine de nuits consécutives, pendant ma seconde année de pêche. Contrairement aux recommandations de tous les vieux qui disaient que la lumière de la lune et des étoiles est très mauvaise pour les yeux quand on couche dehors, et qui prenaient soin de remonter les voiles par-dessus leur tête, je ne me suis jamais endormi sans rêver longtemps les yeux grands ouverts devant cette voûte céleste, étoilée ou sombre, que les secousses rapides de la chaloupe faisaient paraître d’une extrême mobilité. Et puis, il était si agréable de rentrer tôt à bord, de finir tôt son travail et, par suite, de pouvoir s’oublier à lire quelques heures pendant l’après-midi ! À mon avis, on ne perdait pas à payer ce plaisir de quelques risques, et, en outre, tout danger, quel qu’il soit, lorsqu’il me laisse le loisir de le poétiser à ma façon, me plaît.


Quant aux quarts de nuit à bord du navire, j’ai déjà raconté que les hommes s’y succèdent de deux heures en deux heures. Le tour revenait toutes les trois nuits. Tantôt on a le quart du soir, tantôt celui du matin, et