Page:Pêcheurs de Terre-Neuve, récit d'un ancien pêcheur, 1896.djvu/38

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 34 —

nu sur le dos, et de pousser des deux mains de façon à l’arracher proprement, c’est-à-dire en y laissant le moins de chair possible. De la même main qui la tient, cette tête est aussitôt jetée à la mer. Cela n’est pas bien compliqué, mais, comme dans tout métier, il y a un coup de main à attraper, et il ne s’acquiert qu’avec une certaine expérience.

Le plus difficile et ce qui rend le travail fatigant, c’est la vitesse qu’il faut atteindre. Dans les journées de pêche abondante, quand il vous arrive trois ou quatre mille morues, on n’en finirait pas si l’on n’abattait quatre ou cinq cents têtes à l’heure. Mais j’eus le temps de m’accoutumer pendant cette première pêche : on ne rapporta jamais plus de quatre cents pièces en un jour.

Aussitôt décollée, chaque morue passe dans les mains du trancheur. C’est lui qui, au moyen d’un couteau bien affûté et de forme appropriée, l’ouvre d’un premier coup jusqu’à la queue, tout en taillant les arêtes d’un côté, et d’un second coup, en sens inverse, tranche les arêtes de l’autre côté et enlève l’épine ou « raquette ». L’opération du tranchage est beaucoup plus délicate que le décollage. Généralement, elle incombe au second du bord, mais il arrive aussi que le second ne sachant pas trancher, le capitaine engage un matelot trancheur plus payé que les autres, dont alors le second boitte les lignes.

De l’établi et des mains du trancheur, la morue tombe aux mains de l’« énocteur ». L’« énoctage » consiste à