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UNE GENÊSE

sinaient ainsi aux yeux des chasseurs n’avaient point la nonchalance des danses ou des jeux. La tribu semblait en proie à une agitation insolite.

Au pied de la colline, les chasseurs, de nouveau inquiets, jetèrent une fois de plus leur cri : Eïa ! Ha ! Ha !… Seuls répondirent les chiens veilleurs. Alors, oubliant leur fatigue, ceux qui, depuis deux jours, couraient la plaine, s’élancèrent vivement sur la piste montante.

La tribu tout entière formait le cercle à bonne distance du foyer principal. Portant Éléoum, les chasseurs s’approchèrent mais, tout à coup, la surprise les cloua sur place : Nouhou, agenouillé près du foyer, soutenait la tête d’un homme sec étendu à terre !

L’étranger avait été découvert près de la grotte à l’heure du plus cuisant soleil. Depuis de longs jours, il marchait vers la tribu. Mêlant sa piste à celle des herbivores, il avait trompé les chiens ; la veille, les premiers chasseurs eux-mêmes, avertis cependant par la brève inquiétude du jeune long-nez, s’étaient éloignés en le laissant derrière eux. Et, l’homme, d’un effort suprême, avait gravi la colline. On l’avait trouvé dans un fourré, étendu près de Moûh et sans voix. Parce qu’il semblait inanimé, les chiens ne s’étaient pas jetés sur lui. Nouhou était venu avec des femmes et de tout jeunes chasseurs. L’étranger gisait ; c’était un homme à peau blanche, très vieux ; il avait les pieds en sang ; ses genoux et ses mains s’étaient également déchirés aux pierres et aux broussailles.

Au bout d’un instant, comme il ouvrait les yeux, Nouhou, s’approchant avec prudence, avait déposé à portée de sa main une coquille pleine du lait de Moûh.