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LES HOMMES FRÉNÉTIQUES

sautant à terre, fut près d’elle d’un bond, le marteau levé. D’aplomb sur ses longues jambes, il renversa le torse pour porter un grand coup. Alors, avec un rire étrange, une sorte de hurlement tremblé, la femme poussa son arme entre les cuisses sombres d’Éléoum et d’un seul geste, rapide et sûr, trancha sa virilité. Aussitôt le marteau tomba, broyant la face immonde.

La femme morte, les chiens fauves ne résistèrent plus. Les courtes-oreilles les refoulèrent vers les bords du ciel. Puis la troupe des chasseurs prit le chemin de la grotte. Malgré la victoire, le retour fut silencieux. Assis sur Ouhin et soutenu par deux de ses frères, Éléoum, la tête ballante, regardait couler le sang sur ses cuisses. L’emplâtre de feuilles appliqué sur son mal ne le guérissait pas. Le froid gagnait ses membres ; un souffle mystérieux chavirait la flamme de ses yeux. Sa main avait lâché le marteau rouge, et les chasseurs, à tour de rôle, portaient l’arme du chef. Ils étaient tristes et presque craintifs. Des chiens blessés se traînaient avec peine.

Quand apparut enfin, à l’horizon, la colline rocheuse au flanc de laquelle s’abritait la tribu, l’angoisse vague qui pesait sur les chasseurs commença de se dissiper. Ouhin pressa le pas ; les plus jeunes chiens se prirent à gambader. Puis les hommes poussèrent de grands cris, et les veilleurs, au loin, répondirent.

Le soleil s’était caché dans ses fourrés inaccessibles, au fond de la plaine. Autour de la grotte, les fleurs du feu s’épanouissaient, nourries d’ombre. De hautes flammes se tordaient ou se couchaient au fil du vent.

Dans la clarté des foyers, passaient et repassaient des silhouettes rapides. Mais les gestes qui se des-