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UNE GENÊSE

qu’à bout de forces, sous un chêne aux branches courbées par le poids des fruits. Le tronc de ce chêne était creux et formait comme une petite grotte. Les deux enfants s’y blottirent pour la nuit. Le lendemain matin, ils n’eurent qu’à allonger le bras pour cueillir des glands exquis, très farineux et très sucrés.

Quand ils eurent mangé, Flore berça la poupée et Samuel, avec son rouet, alluma des herbes sèches. Puis ils songèrent au retour ; mais ils ne purent retrouver le pont sur lequel ils avaient passé, la veille.

Le jour était limpide et doux ; une petite cascade chantait. Flore se mit à chanter aussi, et Samuel fit ricocher des pierres sur l’eau. Ils mangèrent encore et burent. Puis, se tenant par la taille, ils marchèrent au-devant du soleil qui montait au bord arrondi de la terre.


Chaque matin, ils partaient ainsi dans la direction de la plus grande lumière.

Les caresses de leurs maîtres leur manquaient cruellement. Souvent encore, ils étaient tristes à cause de leur solitude.

Ils allaient, furtifs, dans le monde inconnu et semé d’embûches.

Un aveugle dont ils s’étaient approchés croyant reconnaître en lui le vieux Salem, leur avait parlé d’une voix épouvantable tout en lançant des pierres dans leur direction. Une autre fois, comme ils avaient trouvé des provisions dans une maison abandonnée, un chien s’était jeté sur Samuel et l’avait mordu.

Depuis ces aventures, ils évitaient les maisons, les routes, les hommes et les grosses bêtes mena-