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LES HOMMES FRÉNÉTIQUES

cependant qu’un groupe accueillît quelque fausse nouvelle porteuse d’un étonnant espoir. Il y avait une heure de joie, une brève reviviscence ; puis le doute revenait très vite et, souvent, le groupe se désagrégeait avant que fût venu le démenti formel. Chacun se replongeait plus profondément dans la solitude et la détresse.

La moralité n’était plus qu’un mot désignant des habitudes indifférentes. L’homme, à cet égard, tombait au-dessous de toute créature animée. Les plus ordinaires vertus et les plus faciles étaient aussi les plus rares. Un certain héroïsme nonchalant se pouvait encore rencontrer assez aisément, mais la sincérité, le respect de la parole donnée, la plus élémentaire reconnaissance, ne se manifestaient que de loin en loin et, d’ailleurs, par pur hasard. Le juste ne semblait plus se distinguer de l’injuste. Toutes les actions pesaient le même poids.

Et tous les masques tombaient…

Aux heures, surtout, où l’individu sortait de son habituelle veulerie, les sentiments destructeurs se donnaient libre cours. Les mensonges, les trahisons, les haines, se dévoilaient cyniquement. Au sein même des très rares familles qui avaient échappé au désastre, les liens d’amour se brisaient ; de féroces antipathies ou des attirances monstrueuses, jusque-là énergiquement refoulées, arrivaient au jour.

L’instinct génésique, exaspéré, subissait d’effrayantes perversions. Partout où les survivants demeuraient en nombre, le mal de luxure atteignait son paroxysme. Aucune pudeur, aucune retenue, aucun dégoût ; une hideuse et morne confusion des sexes, des âges, des espèces. Des couples se formaient au hasard des plus sordides rencontres. Le viol suivi de meurtre était fréquent ; des enfants fuyaient