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LES HOMMES FRÉNÉTIQUES

— La mort !… la mort !…

Le mot expira sur les lèvres violettes de Lygie. Elle reçut un choc au front et sombra.

L’aveugle frappait toujours. Autour de lui, à portée de son bras, tous étaient tombés. Les survivants refluaient dans le vestibule. Il y eut un petit claquement, puis un sifflement sinistre, et des corps mous s’écroulèrent. Le pilon venait de heurter l’arme braquée : le pistolet crachait la foudre.

Un silence subit tomba. Seul l’aveugle massacreur était resté debout. Un souffle frais vint frapper son visage douloureux. Dégrisé, il s’inquiéta.

— Frères ! où êtes-vous ?

Le silence insolite le glaçait ; il répéta, haletant :

— Frères, où êtes-vous ?… Où suis-je, frères ?… Frères !…

Alors, derrière lui, s’éleva tout à coup une plainte étrange, inhumaine, un faible grelottement de détresse qui semblait venir de très loin, monter de quelque mystérieuse profondeur.

La peur prit l’homme aux vertèbres. Il lâcha son arme, bondit dans la direction du courant d’air. Piétinant les cadavres, tombant, rebondissant, il gagna la sortie et se sauva, à demi fou, les mains tremblantes, tâtonnant dans la nuit.

Derrière le rideau isolant, blottis tout au fond de leur chambre de jeu, Samuel et Flore, serrés l’un contre l’autre, sanglotaient sur une note haute et tremblée.


À mille mètres d’altitude, une minute à peine après son départ du 4.48, Harrisson se connut complètement aveugle et sourd et remarqua, en outre, que ses doigts gardaient mal le contact des objets. Les jambes mortes, il était étendu dans