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LA MÊLÉE

agglutinés ; aucun sourire n’adoucissait le visage des femmes et les adultes ne jouaient ni ne dansaient.

Des lacustres silencieux se blottissaient dans les roselières des berges.

Des hurleurs sylvestres gagnaient la cime des arbres où ils construisaient, avec une sûreté de gestes étonnante, des huttes arrondies recouvertes d’un toit de feuillage ; ils recherchaient les fruits, les pousses tendres et rongeaient avec avidité l’écorce des jeunes arbres.

Quelques groupes se montraient franchement agressifs ; d’autres ne recherchaient point le combat, mais, au moindre danger, se rassemblaient en grondant et faisaient front. En revanche, on trouvait de nombreux individus à qui manquait totalement l’instinct grégaire. C’étaient le plus souvent des fuyards qu’apeurait toute menace et que rebutait tout effort un peu prolongé. Leurs pareils, en des temps très reculés, avaient probablement peuplé de vastes régions de la planète. En des circonstances singulières, très défavorables, analogues, par certains côtés, aux circonstances actuelles où les gestes de guerre présentaient les pires dangers, la pérennité de l’espèce n’avait sans doute été assurée que par la dispersion des groupes, la prudence de l’individu et son extrême rusticité.

Enfin, on rencontrait des hommes étranges, aux yeux tristes et dociles, des hommes très doux mais inquiets, désorientés comme des oiseaux apprivoisés à qui manque leur cage. Ils semblaient chercher des maîtres, quêter des soins, des caresses et des ordres. Leur présence rendait admissible l’hypothèse de Roume. Ils ressuscitaient sans doute les contemporains des fabuleuses créatures disparues mystérieusement aux âges tertiaires ; ils étaient les com-