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LA MÊLÉE

raient donc indemnes. Elles servaient cependant fort peu, car le moindre voyage par voiture publique, aérienne ou terrestre, était une entreprise périlleuse ; les abords des grandes gares de croisement, en particulier, servaient continuellement de champs de bataille.

On se battait partout, du reste, de l’équateur aux pôles, sur la terre, dans les hauteurs de l’air et même dans les couches accessibles des océans.

On se battait entre voisins, d’un alignement à l’autre et, parfois, la lutte prenait alors une tournure assez singulière. En certaines régions un peu isolées, il n’était pas rare, en effet, de voir appliquer, avec discrétion, des règles secondaires adaptées aux circonstances locales. Et il arrivait que l’on se battît assez mollement. Un commun égoïsme conservateur tempérait l’ardeur des adversaires. Il y avait des trêves tacites, des périodes de prudente expectative durant lesquelles on attendait que la victoire vînt couronner l’héroïsme de partisans lointains. La crainte des représailles empêchait d’employer les armes les plus perfectionnées qui eussent détruit, non seulement les hommes, mais encore toute apparence de civilisation. Les effrayants pistolets lance-torpilles étaient parfois remplacés par d’antiques et énormes mitrailleuses à poudre azotée qui faisaient beaucoup de bruit et peu de mal.

Prudence vaine, hélas ! car le danger ne venait pas seulement du voisinage immédiat, mais bien de tous les points de l’horizon.

D’ailleurs, de tels pays, où l’on se battait avec un courage économe et comme à contrecœur, constituaient l’exception. La plupart du temps, la lutte entre compatriotes était atroce. Des deux côtés, on possédait en abondance des substances à désinté-