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LA MÊLÉE

— Ce sera la fin de tout !…

Mais Lygie parlait. Elle, au contraire, ne désespérait point. Pourquoi ne réussirait-on pas à neutraliser l’influence des féeriques nocifs ? Depuis qu’elle travaillait seule, elle avait poursuivi l’étude du système 13, qu’elle était à même, à présent, de produire avec une extraordinaire facilité. Elle pensait avoir découvert que le rayonnement de ce système avait des effets beaucoup moins simples qu’on ne l’avait d’abord supposé. En poussant très loin l’analyse, il serait sans doute possible d’éliminer toute action nocive. Bientôt, il serait sans doute possible de créer de bienfaisantes colonies tumultueuses qui rajeuniraient les tissus, guériraient les infirmes et les malades et qui permettraient peut-être, enfin, de modeler l’homme de l’avenir, parfaitement sain, parfaitement beau…

Harrisson n’était nullement convaincu. Il garda cependant le silence, car Lygie parlait d’une voix que l’émotion faisait trembler et il devinait ce que les mots ne disaient pas : l’espoir tenace de l’épouse meurtrie, l’attente égoïste et passionnée de quelque miraculeuse guérison.

Mais, le lendemain, un audacieux reporter des Nouvelles Générales, se faisant passer pour un inspecteur des Gens de Maison, forçait l’entrée du Refuge. Harrisson se laissa arracher ses pensées secrètes.

— L’humanité, dit-il, ne peut plus être sauvée que par un retour à la barbarie préscientifique.

Le reporter, qui ne souhaitait rien tant qu’une déclaration sensationnelle et de tournure paradoxale, se retira en se frottant les mains, enchanté du succès de sa ruse.