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LES HOMMES FRÉNÉTIQUES

pas non plus inactifs. Sans relâche, ils armaient les peuples moribonds et toujours acharnés.

Après les empoisonnements gazeux et microbiens, la lutte s’était quelque peu ralentie. Les services sanitaires africains ayant été désorganisés, les épidémies s’étaient propagées très rapidement du Sud au Nord de la population avait été, une fois de plus, décimée. Mais, passé le premier moment de stupeur, les survivants étaient revenus à la bataille.

L’issue de la lutte paraissait de nouveau tout à fait incertaine ; la mort avait égalisé les chances. Le plus tenace vaincrait, ou le plus féroce ou le plus savant ; peut-être même n’y aurait-il que des vaincus…

L’ardeur des premiers jours avait fait face à un sombre et patient héroïsme. Les dirigeants n’entonnaient plus les airs de bravoure, mais leur fermeté inébranlable s’exprimait en formules économes, sèches et dures. Chez les masses dominait un immense orgueil lugubre : l’orgueil de reculer les bornes du possible, de souffrir comme jamais aucun peuple n’avait souffert à l’âge scientifique. La haine s’éteignait ; on n’osait plus fixer de buts à la guerre. On continuait la lutte, moins peut-être pour détruire l’adversaire que pour écrire une page fabuleuse dans les annales humaines.

La guerre microbienne avait été abandonnée et les vastes offensives météorologiques étaient devenues impossibles. Mais, de part et d’autre, malgré les engagements pris, on avait encore recours aux gaz toxiques. On employait d’ailleurs concurremment toutes les armes connues. La bataille, moins intense qu’aux premiers jours, prenait les aspects les plus variés et demeurait fort meurtrière. Les